À l’époque victorienne, les jardiniers anglais avaient un réflexe bien particulier : récupérer la suie de cheminée pour l’épandre au pied de leurs rosiers. Cette pratique, héritée de l’observation et du bon sens populaire, avait gagné une vraie popularité dans les jardins d’ornement. Mais pourquoi cette matière noire, sale et apparemment sans intérêt, suscitait-elle autant d’enthousiasme ?
La réponse tient en deux mots : floraison et protection. La suie de bois, issue de la combustion de feuillus non traités, renfermait de précieux nutriments, notamment des sels de potassium, indispensables à la vigueur des rosiers. En plus de cet apport nutritif, elle agissait comme une barrière naturelle contre certains parasites, notamment les pucerons. Une solution simple, gratuite et apparemment efficace.
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Quels effets la suie avait-elle réellement sur les rosiers ?
Utilisée avec parcimonie, la suie contribuait à stimuler la floraison. Riche en potasse, elle favorisait la formation de fleurs abondantes, aux couleurs intenses. Les sels minéraux qu’elle contenait permettaient également de renforcer la résistance des plantes face aux agressions extérieures.
Mais la suie possédait une autre arme : sa fine texture et sa couleur noire perturbaient les insectes nuisibles. En recouvrant légèrement le sol ou les feuilles, elle gênait la respiration des pucerons et masquait les signaux olfactifs émis par les jeunes pousses. De nombreux jardiniers rapportaient alors une baisse visible des infestations.
Pourquoi cette pratique est-elle déconseillée aujourd’hui ?
Si l’usage de la suie paraissait astucieux à l’époque, les connaissances modernes sur la toxicité des résidus de combustion ont complètement changé la donne. Aujourd’hui, la majorité des combustibles utilisés en cheminée – charbon, bois traités, papiers encrés – dégagent des substances dangereuses pour la santé et pour l’environnement. Ces suies peuvent contenir des métaux lourds, des dioxines et des hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), des composés hautement toxiques.
« Même en très petite quantité, la suie issue d’un feu domestique moderne peut contaminer durablement un sol de jardin. Elle ne devrait jamais être utilisée sans connaître précisément son origine. »
Par ailleurs, la législation autour des pratiques de jardinage naturel et de l’agriculture biologique a évolué. Dans ces cadres, l’usage de suie est désormais strictement encadré, voire interdit. Mieux vaut donc éviter de reproduire cette méthode, aussi ingénieuse fût-elle à son époque.
Existe-t-il des alternatives naturelles à la suie ?
Heureusement, les jardiniers d’aujourd’hui disposent de solutions plus sûres et tout aussi efficaces. Le biochar, par exemple, est une version moderne et stabilisée du charbon végétal. Issu de la pyrolyse de bois non traité, il possède une structure microporeuse capable de retenir l’eau, les nutriments, et de stimuler la vie microbienne du sol. Son usage est reconnu en agriculture biologique.
Le charbon de bois broyé (non allumé) peut également remplir certaines fonctions similaires à celles de la suie : il améliore la structure du sol, fournit quelques oligo-éléments, et peut jouer un rôle protecteur contre certaines agressions fongiques, sans les risques associés aux résidus de combustion domestique.
Ce qu’il faut retenir avant de tenter cette vieille recette
Redécouvrir les savoirs anciens est passionnant, mais cela doit toujours s’accompagner d’un regard critique et informé. La suie, si elle rendait service aux jardiniers d’autrefois, ne s’adapte plus aux réalités sanitaires et écologiques actuelles. Il existe aujourd’hui des alternatives naturelles, saines et accessibles qui permettent de prendre soin de ses rosiers sans exposer son jardin – ni soi-même – à des substances toxiques.
Mis à jour le 29 mai 2025