Publié par Michel

Elle enrichit les sols sans polluer : la méthode qui pourrait sauver nos cultures et la planète

15 mai 2025

engrais
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Dans un monde où les rendements agricoles dictent les règles, une vérité dérangeante s’impose : la majorité de nos cultures repose sur des engrais chimiques. Rentables, oui, mais à quel prix ? Sols appauvris, rivières polluées, biodiversité menacée… Et si une autre voie existait ? Une méthode naturelle, durable, capable de nourrir les plantes tout en soignant la terre ? C’est exactement ce qu’a démontré la microbiologiste brésilienne Mariangela Hungria avec un procédé aussi ancien que méconnu : la fixation biologique de l’azote.

Pourquoi les engrais chimiques posent un vrai problème

Utilisés massivement depuis des décennies, les engrais azotés ont boosté la production agricole. Mais ce gain de productivité a un coût invisible pour la planète. Chaque tonne d’engrais synthétique libère dans l’atmosphère des gaz à effet de serre très puissants, notamment le protoxyde d’azote, 300 fois plus nocif que le CO₂. Sans parler de la pollution des nappes phréatiques, de l’eutrophisation des cours d’eau, ou de l’acidification des sols.

Résultat ? Des terres qui deviennent stériles, une nature qui s’asphyxie et des agriculteurs piégés dans une dépendance aux produits chimiques. Un cercle vicieux qui semblait inévitable… jusqu’à ce qu’une solution venue du sol lui-même refasse surface.

La fixation biologique de l’azote : une solution ancienne et terriblement efficace

Depuis plus de 40 ans, Mariangela Hungria travaille sur un principe simple mais oublié : certaines bactéries naturellement présentes dans le sol sont capables de capter l’azote de l’air et de le transformer en nutriment pour les plantes. C’est ce qu’on appelle la fixation biologique de l’azote.

Ce processus, invisible à l’œil nu, permet aux cultures (notamment le soja) de se nourrir sans aucun apport chimique. Il suffit d’inoculer les semences avec ces bactéries bénéfiques pour enclencher une réaction naturelle, continue et totalement respectueuse de l’environnement.

Le Brésil, grâce à cette méthode, est devenu le premier producteur mondial de soja, sans utiliser massivement d’engrais azotés. Une révolution en douceur, que la communauté scientifique a saluée en remettant à Hungria le prestigieux Prix mondial de l’alimentation 2025.

Pourquoi cette méthode pourrait transformer notre agriculture

La beauté de cette approche, c’est qu’elle ne demande ni machines coûteuses, ni produits toxiques. Elle repose sur l’intelligence du vivant. En remettant les micro-organismes au cœur de l’équation agricole, on redonne au sol sa fertilité naturelle. Et surtout, on offre aux agriculteurs une alternative concrète et viable face à la crise écologique.

En plus du soja, cette technique commence à être testée sur d’autres cultures comme le maïs ou le blé. Les premiers résultats sont prometteurs : les rendements restent élevés, les sols gagnent en santé, et les coûts d’intrants chutent drastiquement.

“On croit souvent que cultiver sans chimie, c’est revenir en arrière. Mais c’est tout l’inverse : c’est miser sur une technologie vivante, précise et durable.”

Peut-on l’appliquer dans nos potagers et nos champs en Europe ?

Oui, mais cela demande un changement de regard. La fixation biologique de l’azote n’est pas encore largement pratiquée chez nous. Elle souffre d’un manque de communication, d’un lobby chimique puissant et d’une méfiance des agriculteurs face à l’inconnu. Pourtant, de plus en plus de petites exploitations s’y intéressent. Des coopératives commencent à proposer des inoculants biologiques, faciles à utiliser, y compris pour les particuliers. Même les jardiniers amateurs peuvent en bénéficier, notamment pour les légumineuses comme les pois, les haricots ou les fèves.

Ce qu’on risque si on continue à ignorer ces solutions naturelles

L’agriculture industrielle telle qu’elle est pratiquée aujourd’hui n’est pas durable. Elle épuise les ressources, dépend de l’importation d’engrais souvent issus du gaz naturel, et contribue fortement au dérèglement climatique. En continuant sur cette voie, on prend le risque de voir les rendements s’effondrer, les terres devenir stériles, et les coûts exploser.

La fixation biologique de l’azote n’est pas une mode : c’est une réponse rationnelle, économique et écologique à un modèle agricole qui atteint ses limites. L’ignorer aujourd’hui, c’est passer à côté d’une des plus grandes avancées agroécologiques de notre temps.

Mis à jour le 15 mai 2025

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Michel Dupont est un expert passionné en agriculture durable et fondateur de EcoleDagriculture.fr, une plateforme éducative innovante dédiée à la formation et au développement des compétences dans le secteur agricole. Retrouvons-nous sur : 👉 notre page Facebook ! Et partagez nos articles, commentez, c’est le meilleur moyen de nous soutenir !

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9 réponses

  1. Adepte de toutes ces méthodes, et ancien agriculteur conscient de sa mission voulue par Dieu : « nourrir l’humanité », j’aimerais connaître comment je pourrais pratiquer cette technique d’inoculation.
    Ou puis-je me fournir, pour notre potager, et par là aider les jeunes ?
    Merci.

    1. Merci pour votre message ! Pour pratiquer l’inoculation dans votre potager, vous pouvez vous procurer des inoculants microbiens (type Rhizobium ou Azospirillum) en jardineries bio, coopératives agricoles etc

  2. C’est intéressant, mais quid du coût (à voir ce qui est proposé ici et là c’est très cher) et en quoi est-ce fondamentalement différent d’un bon compost ?

  3. Vous prenez les agriculteurs pour des c… ou quoi?
    Si on ne fait plus de pois ou de féverole dans nos champs (le soja n’est pas encore génétiquement adapté à nos climats), deux raisons: la marge dégagée est très inférieure aux autres cultures, le retour sur une même parcelle doit se faire au mieux tous les 4 à 5 ans. Pour le pois , c’est à cause de l’aphanomycès, un champignon qui empêche la croissance de la plante.
    Si on fait pas, c’est qu’on peut pas.

    1. L’article ne remet pas en cause les contraintes agronomiques bien réelles, mais souligne que des solutions biologiques éprouvées ailleurs méritent d’être étudiées, adaptées et soutenues, surtout dans un contexte où notre modèle atteint ses limites.

  4. L’importance des rhizobiums😊
    Nous devons vraiment penser à travailler avec la nature et non contre elle.

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